Ampoules basse consommation : Progrès ou désastre ?

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Lumière toxique

Par Annie Lobé, journaliste scientifique.
Mis à jour le 10 septembre 2009.

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Plusieurs dizaines d’internautes m’ont envoyé des questions et/ou des commentaires après avoir visionné la vidéo sur les ampoules basse consommation, qui a suscité tellement d’intérêt qu’elle a été “buzzée” sur Internet. Réponses et révélations issues de la poursuite des investigations.

Elles émettent des ultraviolets

Sensibilité à la lumière. Tel est le titre, presque poétique, d’un rapport publié en anglais, en septembre 2008, par Comité scientifique sur les risques sanitaires émergents auprès de la Commission Européenne (SCENIHR). Ce rapport contient pourtant une véritable bombe. Il révèle que les lampes basse consommation émettent des ultraviolets.

Or, chacun sait que les ultraviolets (UV) non seulement accélèrent le vieillissement de la peau mais également provoquent des cancers cutanés.

Saisie en 2004, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail leur a consacré un rapport très explicite, Rayonnements ultraviolets et santé, en ligne sur le site www.santepublique-editions.fr.[1]

L’agence y affirme : “Les lampes basse consommation dites à lumière naturelle (…) sont manifestement des émetteurs d’UV artificiels non conformes à la réglementation française (…). Le risque est que les personnes qui les utilisent soient exposées de manière permanente (…) notamment en milieu professionnel puisque les promoteurs les recommandent dans les bureaux, les magasins et même les écoles”.

Cette dénonciation officielle s’applique désormais à l’ensemble des LBC, puisqu’il est aujourd’hui établi qu’elles émettent des UV.

Le Gomorra[2] des ampoules basse consommation

Si tant est qu’il y ait un recyclage. La présence de mercure dans ces produits est connue depuis longtemps, puisqu’ils ont fait l’objet de décrets les désignant parmi les déchets dangereux à collecter séparément[3]. Dans quelles conditions, et surtout avec quelle destination ?

Le 1er juin 2005, le Canard Enchaîné révélait le scandale des scandales :

“Dans les environs de Sarreguemines (Moselle), la société Argor, censée retraiter ces lampes à vapeur de mercure, en a stocké près de 250 000 avant de faire faillite voilà quelques mois. Selon un témoin, 20 % de ces ampoules abandonnées étaient cassées. Bilan : 750 grammes de mercure répandus sur les sols et dispersés dans l’atmosphère du bâtiment.

Pourquoi les fabricants –Phillips, General Electric, Claude, Osram– se montrent-ils si discrets sur la toxicité (potentielle) de ce produit ? Réponse du Syndicat de l’éclairage : “Parce que personne –et pas même le ministère de l’Industrie– ne les oblige à l’évoquer. Celui-ci a bien fait classer (dans deux décrets de 1997 et 2002) ces lampes parmi les déchets dangereux. Mais sans imposer cette mention sur les étiquettes.

Résultat : sur 70 millions d’ampoules produites chaque année, seules 15 % d’entre elles sont éliminées et recyclées, en général par les industriels (au parfum) qui les utilisent. Les particuliers, faute d’information, les jettent tout bonnement à la poubelle après usage. Des centaines de kilos de mercure sont ainsi mélangés aux détritus ménagers…

Le zèle écologique doit éviter de ruiner cet agréable commerce.”

Cet article n’a pas eu le retentissement qu’il méritait.

Mais depuis deux ans, grâce à l’alerte du Criirem[4], les médias s’intéressent au sujet. Et depuis quelques mois, la société “agréée” Récylum s’agite pour organiser la collecte de ces ampoules. Il y a encore un an, il était bien difficile de trouver un endroit où se débarrasser de ces “déchets dangereux”. Aujourd’hui, magasins de bricolage et supermarchés les acceptent à côté des piles usagées, à quelques mètres des caissières et des hôtesses d’accueil.

Permettez-moi de craindre pour la santé de ces personnels.

L’Institut national de santé publique du Québec a publié un Guide de gestion du mercure[5] dans lequel sont décrits en détail les effets de cette substance “très toxique pour la santé humaine”, dont les vapeurs sont “très bien absorbées par voie respiratoire”. “Une fois dans la circulation sanguine, [il] diffuse facilement à travers les membranes et se distribue à travers tous les organes (…), s’accumule au niveau du cerveau où il affecte les neurones sensitifs et moteurs (…), traverse facilement la barrière placentaire et présente donc des risques pour le fœtus.”

L’excellent livre de Françoise Cambayrac Vérité sur les maladies émergentes[6] explique que le mercure est un élément tellement toxique que l’unité de mesure pour le comptabiliser est le microgramme et non le milligramme. Dans une usine travaillant le mercure, quand la teneur de l’air en mercure dépasse 50 microgrammes par mètre cube d’air, les locaux doivent être évacués. Le taux autorisé de 5 milligrammes par ampoule doit donc être converti en… 5 000 microgrammes !

Le Docteur Jean-Jacques Melet, grand spécialiste de la toxicité du mercure des amalgames dentaires, a mesuré la teneur de l’air en mercure après le bris d’une ampoule basse consommation. Voici la description qu’en fait Françoise Cambayrac[7] :

Pour en avoir le cœur net, muni de son appareil Jérôme et revêtu de sa combinaison de protection totale, le Dr Melet a réalisé lui-même l’expérience. Dans un cabanon d’environ 10 mètres carré abandonné en pleine campagne, il casse une de ces nouvelles ampoules chaudement recommandées par les écologistes et enregistre les vapeurs de mercure. Le résultat ne se fait guère attendre : en quelques secondes l’instrument de mesure spécialisé affiche des taux proches de 500 microgrammes par mètre cube. Il n’y a aucun doute. Les chiffres sont bien là. Renversant !

Le fabricant d’ampoules OSRAM a également réalisé un test de bris d’ampoules, dont il a mis les résultats en ligne[8]. Mais les chiffres diffèrent entre le texte et l’illustration : 25 grammes / m3 d’air (!) dans le texte, contre 25 microgrammes par m3 d’air sur l’illustration. Simple erreur de frappe ?

Les effets toxiques du mercure, attestés par plus de 1 000 études, sont à la fois bien connus et tristement célèbres depuis les événements de la baie de Minamata au Japon, où une usine d’engrais chimiques a rejeté pendant plusieurs dizaines d’années des déchets imprégnés de mercure : à haute dose, ce sont des convulsions, des tremblements, des fourmillements, et une atteinte du système nerveux se traduisant également par des troubles psychiques confinant parfois à la folie, les mères donnant naissance à des enfants lourdement handicapés.

À faible dose apparaissent fatigue chronique, dépression, allergies, maladies auto-immunes, spasmophilie, etc. Pendant deux mois environ, le mercure inhalé reste en circulation dans le sang. Il migre ensuite dans les cellules, où il devient très difficile à déloger. Les lecteurs trouveront dans le livre Françoise Cambayrac des conseils sur les gestes à accomplir immédiatement après avoir cassé une ampoule. Ainsi qu’une méthode pour se désintoxiquer dans les deux mois qui suivent.

La fausse bonne idée des compagnies d’électricité

Qui veut faire disparaître les ampoules à incandescence ? Et surtout, pourquoi ? Pourquoi devrions-nous être contraints, via leur suppression, à utiliser des ampoules basse consommation ?

Lors de mon voyage de presse en Guadeloupe en 2001, les responsables locaux d’EDF étaient très contents d’expliquer eux-mêmes aux journalistes pourquoi ils avaient lancé une grande campagne pour diffuser ces ampoules “basse consommation”, qu’ils appelaient LBC.

Aux Antilles, chaque kilowatt/heure consommé nécessite le transport par bateau de fioul lourd pour alimenter les centrales, car le recours aux énergies renouvelables solaire et éolienne est dérisoire, en dépit d’immenses potentialités. Mais EDF a un problème : elle perd de l’argent faute de pouvoir facturer sa prestation au prix de revient. C’est pourquoi elle cherche à diminuer la consommation électrique par le biais de ces ampoules qui consommeraient “cinq fois moins” que les autres[9].

En métropole, le problème d’EDF est de diminuer la charge de distribution aux heures de grande consommation. C’est-à-dire au moment où tout le monde rentre le soir, en hiver, dans un logement équipé de radiateurs électriques –largement imposés par… EDF. Il fait froid car le chauffage est resté quasiment éteint toute la journée afin de réduire la facture. Pour répondre à cet accroissement ponctuel de la demande de dizaines de millions de personnes allumant simultanément radiateurs électriques, télévisions, ordinateurs domestiques et éclairage, EDF remet en service ses centrales au fioul lourd.

Pour éviter cela, la compagnie d’électricité a eu la fausse bonne idée de transposer l’expérience lancée aux Antilles : promouvoir les ampoules basse consommation. Mais l’éclairage en métropole ne représente que… 3 % de la consommation totale des ménages[10]. Si, aux Antilles, cela a un sens de chercher à diminuer la consommation électrique liée à l’éclairage, il n’en va pas de même dans toutes les régions du monde où le chauffage constitue le principal poste de consommation d’électricité.

Le problème de la surcharge momentanée n’aurait-il pas été bien plus intelligemment réglé en incitant les ménages à installer des chaudières à gaz, dont la chaleur est nettement plus agréable ? Autre idée, puisée dans les nombreux commentaires que ce sujet a inspirés aux internautes : puisque le chauffage est nettement plus énergivore que l’éclairage et que les ingénieurs d’EDF sont férus d’innovation technologique, ils auraient pu inventer des radiateurs électriques basse consommation et des chauffe-eau électriques basse consommation. Mais curieusement, cette idée ne leur est pas venue à l’esprit.

Aux Antilles, il est pourtant clair que l’expérience-pilote des ampoules basse consommation n’a pas été concluante avec les particuliers. Une étude de marché concernant la Martinique rappelle en 2004 que “la campagne de 1993 a donné lieu à la distribution de 300 000 lampes EKO sous forme de leasing” mais suggère que les premiers acheteurs n’ont pas renouvelé leur achat après la fin de vie des premières lampes[11] (d’après un témoignage, les administrations qui, comme chacun sait, n’ont pas d’états d’âme, les ont quant à elles bien remplacées à l’identique).

Ce rejet de la part des utilisateurs ressort nettement à la lecture, début septembre 2009, des commentaires des internautes[12]. Ils ne sont satisfaits ni de la qualité de la lumière, ni de la durée de vie, inférieure à celle promise. Probablement en raison des allumages plus fréquents et surtout plus irréguliers dans la vie courante que lors des essais de laboratoire…

Cette constatation n’est sans doute pas étrangère à l’interdiction prochaine des ampoules à incandescence…

Car c’est sous la pression du lobby de l’industrie électrique (en France, FIEEC, CENELEC, Syndicat de l’éclairage et Association française de l’éclairage) épaulé par l’ADEME que l’Union européenne et l’État français veulent aujourd’hui supprimer le plus rapidement possible toute alternative et rendre obligatoire l’usage des ampoules basse consommation en interdisant les ampoules à incandescence.

Cette tendance est mondiale. Le Canada, l’Argentine et les États-Unis, pour ne citer qu’eux, ont emboîté le pas. Prétextes invoqués ? Les ampoules à incandescence sont “énergivores”, ont un “faible rendement”. Il est vrai qu’elles transforment principalement en chaleur l’énergie qu’elles consomment, et ont un rendement lumineux plus faible que tous les autres types d’ampoules. Un argument que brandissent ingénieurs et “écolos” appelés à la rescousse par l’industrie pour lui servir de porte-voix afin de faire passer la pilule de leur prix d’achat cinq fois plus élevé.

Reste à savoir si le remplacement des ampoules à incandescence par des ampoules basse consommation ne va pas augmenter le besoin de chaleur et donc, la consommation des radiateurs… électriques. Reste également à établir le “bilan carbone” (puisque ce mot est à la mode) de ces ampoules, incluant le transport depuis leur lieu de fabrication (Europe de l’Est ou Chine, et ce quel que soit le pays d’utilisation), le transport lié à la collecte, ainsi que le coût des opérations de recyclage -bien que,comme on l’a vu, les conditions effectives de sa réalisation jusqu’en 2005 permettent de douter de sa faisabilité technique.

Après ces révélations, comment croire les “écologistes” qui tentent encore de nous persuader, pour sauver la planète, d’accepter l’usage obligatoire de ces ampoules au mercure émettant des UV ?

Texte mis à jour le 10 septembre 2009.

 



[1] Afsset (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail) Rayonnements ultraviolets et santé, p. 3-4. Voir le document  Lien vers le site

[2] D’après le titre du film de Matteo Garrone où sont révélées les pratiques de la mafia pour “retraiter” les déchets.
[3] Décret n° 2002-540 du 18 avril 2002 relatif à la classification des déchets. Paru au JO du 20 avril 2002. Voir p. 7088 la rubrique 20 01 21. Les déchets classés “dangereux” sont indiqués avec un astérisque. Voir le document
[4] Alerte ! Mise en garde sur les ampoules à économie d’énergie ! Communiqué de presse du 21 août 2007 par Arca Iberica et Criirem. Voir le document
[5] www.inspq.qc.ca/publications/environnement/mercure/ Voir le document  Lien vers le site
[6] Marco Pietteur éditeur, 3ème  édition juin 2008.
[7] Op. cit., p. 159.
[8] www.osram.fr/osram_fr/OSRAM_le_groupe/Developpement_durable/Mercure/. Consulté le 04.09.09. Voir le document  Lien vers le site

[9] Mais les équivalences affichées par les fabricants (voir tableau) sont inexactes, d’après un vendeur du BHV à Paris qui affirme : “Pour avoir l’équivalent d’une 60 watts, il faut prendre une 14 watts et non une 11 watts”. La consommation n’est donc pas cinq fois moindre, mais quatre fois moindre seulement.

Équivalences en watts selon les fabricants :

Fluocompactes Incandescence
11 60
14 75
18 100
22 115
23 120
30 150

[10] Électricité : guide des bons conseils “économies”. EDF, Ademe, SIPPEREC (Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l’électricité et les réseaux de communication), p. 12. Voir le document

[11] Concept Energie et Technologie Solaire, Rapport final novembre 2004 : Étude de marché des équipements électrodomestiques en Martinique, p. 32-36. Voir le document

[12] Sites consultés : Rue89.com, Agoravox.com, France2.fr, Libération.fr et différents blogs. 

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