Ampoules basse consommation

Lumière toxique (3ème partie)

Par Annie Lobé, journaliste scientifique.
Mis à jour le 25 mars 2010.

Le dossier complet

L’hypothèse formulée dans ma vidéo sur les champs magnétiques émis par les ampoules basse consommation, selon laquelle le pic mondial de cancers de la prostate observé dans les Antilles françaises pourrait être lié à l’usage de ces lampes depuis près de vingt ans, a suscité des réactions. Explications.

Le cancer de la prostate : un sujet tabou

Tout d’abord, qu’est-ce que le cancer de la prostate ? Une maladie qui a pour principal traitement l’ablation chirurgicale de la prostate, après laquelle l’éjaculation devient impossible, même si l’érection est préservée. Les répercussions de cette maladie sur la vie des couples sont faciles à imaginer, de même que la souffrance des derniers mois, suivie par la solitude de celles qui se retrouvent seules, avec les difficultés financières que cela implique,  à un âge où il n’est pas aisé de trouver un nouveau compagnon.

Hommes et femmes sont concernés. Ce cancer est diagnostiqué chez 40 000 hommes chaque année en France, soit l’équivalent de la population d’une ville comme Cherbourg. Le nombre de décès annuels est de 10 000, soit plus que les décès provoqués par les accidents de la route[1].

Les hommes abordent difficilement ce sujet “parce que cela touche un aspect de leur virilité”, observe le docteur Patrick Dubreil, médecin généraliste[2]. Certaines réactions masculines occasionnées par la vidéo sont peut-être en partie redevables de ce tabou.

Quant au pic mondial de cancers de la prostate observé aux Antilles françaises, il est documenté par plusieurs études[3]. Curieusement, ce pic mondial ne concerne que la Guadeloupe et la Martinique, épargnant à la fois les autres îles des Caraïbes et les autres territoires d’Outre-Mer français. Rapporté à la population guadeloupéenne, le taux observé en 2002 représente plus de 600 nouveaux cas cette année-là (Mallick 2005).

Toute forme de prévention basée sur la recherche et l’élimination des causes de cette maladie est donc hautement utile.

Une première piste, la chlordécone

La première hypothèse formulée pour expliquer ce phénomène a été émise en juin 2007 par le cancérologue Dominique Belpomme, qui a dirigé une étude sur cette épidémie[4].

Les Antillais ont été exposés pendant de longues années (1981-1993) à un pesticide interdit partout ailleurs, la chlordécone, classée depuis 1987[5] dans la catégorie 2B des “cancérogènes possibles pour l’Homme” par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), affilié à l’OMS (Organisation mondiale de la santé).

Depuis 1993, la chlordécone a été remplacée par le paraquat, “encore plus toxique” selon le rapport coordonné par le professeur Belpomme[6].

Les tonnages de ces pesticides ajoutés à une centaine d’autres pesticides déversés sur l’archipel sont tels, que chaque centimètre cube d’eau potable est contaminé, y compris l’eau de source. La pollution chimique dans ces îles est si importante qu’une conversion rapide et massive à l’agriculture biologique semble être une solution de bon sens. Cependant, 90 % de la consommation de l’archipel n’est pas produite sur place mais apportée par bateau.

C’est en 1983 que le nombre de cancers de la prostate dans les Antilles a commencé à diverger par rapport à la métropole. Mais les Antillais semblent avoir été globalement capables de “résister” à la pollution chimique liée aux pratiques agricoles au moins jusqu’en 2002-2003, date à laquelle est intervenu le “pic mondial” de cancers de la prostate, soit 10 ans après l’abandon de l’usage de la chlordécone et son remplacement par le paraquat.

Il n’y a pas aux Antilles de grandes agglomérations trépidantes, ce qui limite à la fois la pollution atmosphérique et l’exposition permanente aux champs électromagnétiques artificiels.

La diffusion massive des ampoules fluocompactes à partir de 1993 a coïncidé avec le début de l’utilisation du paraquat.

Nouvelle hypothèse fondée sur des éléments tangibles

En novembre 2007, après avoir réexaminé ses données, le professeur Belpomme a déclaré : « La chlordécone n’est probablement pas à l’origine de l’augmentation d’incidence des cancers de la prostate aux Antilles françaises (…). Ainsi mon équipe est-elle aujourd’hui mobilisée pour la recherche d’autres causes, dans le cadre d’une collaboration internationale[7]. »

L’hypothèse formulée dans ma vidéo ne peut donc être écartée sans un examen sérieux.

Pourquoi ? Parce que les champs magnétiques émis par les lampes basse consommation ont été classés par l’OMS dans la même catégorie, celle des “cancérogènes possibles pour l’homme”, que le pesticide chlordécone initialement mis en cause par le professeur Dominique Belpomme.

Comment les champs magnétiques peuvent-ils favoriser le développement du cancer ? Tout d’abord en diminuant la sécrétion de mélatonine, une hormone dotée de propriétés anticancéreuses. Les preuves scientifiques concernant les cancers de la prostate et du sein sont documentées dans mon livre La fée électricité.

Ensuite, en empêchant la réparation cellulaire, laquelle se produit lorsque les ions calcium entrent dans les cellules, tandis que les champs électromagnétiques provoquent une sortie de ces ions calcium de nos cellules[8].

>De plus, il est reconnu que la présence simultanée de différentes gammes de fréquences potentialise ces effets. C’est précisément ce qui se produit avec les ampoules basse consommation, car elles émettent dans plusieurs bandes de fréquences : extrêmement basses fréquences, basses fréquences, radiofréquences et même ultraviolets, ce qui n’est pas le cas des ampoules à incandescence.

Une enquête à mener sur place

L’hypothèse du lien de cause à effet entre la survenue du cancer de la prostate et l’usage de ces ampoules serait aisément vérifiée par une enquête ayant pour but de déterminer à quoi ont été exposés les patients atteints.

Je propose à cette fin un questionnaire[9] qui, via une multitude d’items, vise à identifier une ou plusieurs causes, incluant les habitudes alimentaires.

Ce questionnaire, complété par le plus grand nombre possible de patients, en présence d’un enquêteur capable de préciser les questions mal comprises, permettra de déterminer si une combinaison de facteurs est commune à tous les malades.

Il serait souhaitable que des médecins ou des associations locales puissent l’utiliser.

Quant aux instances sanitaires métropolitaines comme l’Institut de veille sanitaire, il ne me semble pas utile de le solliciter, vu les conclusions laxistes des études précédentes sur les cancers d’enfants à Saint-Cyr-l’École[10] et ailleurs. On connaît d’avance ses résultats : les cancers ne sont pas causés par les champs électromagnétiques mais par “le hasard”.

Quoi qu’il en soit, l’implication des champs électromagnétiques dans le développement du cancer de la prostate est si bien documentée scientifiquement que les personnes atteintes peuvent d’ores et déjà utiliser les résultats de mon enquête entreprise en 2001, disponibles dans les livres La fée électricité et Téléphone portable : comment se protéger, pour mettre toutes les chances de leur côté face à la maladie.

 

Texte mis à jour le 25 mars 2010. Certains documents cités en notes sont consultables en ligne sur www.santepublique-editions.fr.



[1] Pr Dominique Belpomme, Ces maladies créées par l’Homme, Albin Michel, 2004, p. 341-342.

[2] Alternative santé n° 362, janvier 2009. Dossier : La prostate, p. 19-29.

[3] 1. Mallick S, Blanchet P, Multigner L (2005) Prostate cancer incidence in Guadeloupe, a French
    Caribbean archipelago. Eur Urol, Jun ; 47(6) : 769-72. Epub 2005 Mar 9.
2. Brureau L, Multigner L, Wallois A, Verhoest G, Ndong JR, Fofana M, Blanchet P (2009) [Prostate
    cancer in Guadeloupe (French West Indies) : incidence, mortality and clinicopathological features]
    Article en français. Bull Cancer, Feb ; 96(2) : 165-70.
3. Ndong JR, Blanchet P, Multigner L (2009) [Pesticides and prostate cancer : epidemiological data]
    Article en français. Bull Cancer, Feb ; 96(2) : 171-80.
4. Belpomme D, Irigaray P, Ossondo M Vacques D, Martin M (2009) Prostate cancer as an
    environmental disease : an ecological study in the French Caribbean islands, Martinique and
    Guadeloupe. Int J Oncol, Apr ; 34(4) : 1037-44.

[4] Rapport d’expertise et d’audit externe concernant la pollution par les pesticides en Martinique. Conséquences agrobiologiques, alimentaires et sanitaires et proposition d’un plan de sauvegarde en cinq points. 23.06.07. Source : www.artac.info

[5] Liste réactualisée des produits génotoxiques classés par le CIRC, André Picot, Jean-Claude Zerbib, Marcel Castegnaro et Josyane Guéry, septembre 2009, p. 14. Source : http://atctoxocologie.free.fr, L’Association Toxicologie Chimie est présidée par le professeur André Picot, toxico-chimiste et directeur de recherche honoraire du CNRS.

[6]  Rapport d’expertise, op. cit., p. 45.

[7] Audition du Pr D. Belpomme, cancérologue, par la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire de l’Assemblée Nationale au sujet de la pollution des Antilles françaises par la chlordécone et autres pesticides. Document remis le 7 novembre 2007 par le Pr Belpomme aux membres présents, p. 7. Source : www.artac.info.

[8] Explications et références d’études dans le livre La fée électricité, Annie Lobé, SantéPublique éditions, 2007, ainsi que dans le dossier intitulé Mécanisme d’action des ondes électromagnétiques sur les organismes vivants.

[9] Questionnaire en ligne sur le site www.santepublique-editions.fr.

[10] Voir le CD Rom Le danger des antennes-relais, SantéPublique éditions, et la rubrique Écoles

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