Octobre 2007. Jean-Marie Pelt, Président de l’Institut Européen d’Écologie à Metz :
“Acheter un portable, c’est participer à la disparition des grands singes menacés d’extinction.”
Extraits d’une chronique de Jean-Marie Pelt lors de l’émission CO2 mon amour diffusée sur France Inter le 12 juin 2004 (reproduite par autorisation expresse de Jean-Marie Pelt).
“Le coltan, ou tantale, est un minerai qui a pris une valeur colossale parce qu’il est nécessaire à la fabrication des ordinateurs et des téléphones portables, en raison de sa grande résistance, de ses propriétés métallurgiques et de sa grande dureté. Partout où il y a du tantale, il est exploité.
Deux pays le font d’une manière un peu raisonnable : le Brésil et l’Australie. Ce sont les principaux producteurs, mais ils ne peuvent plus répondre à une demande qui augmente à la vitesse à laquelle nous consommons les ordinateurs et les téléphones portables. Il faut de plus en plus de ce minerai. En l’an 2000, [un fabricant de consoles de jeu] a dû interrompre ses ventes, lancées avec une très grande publicité : sa demande n’avait pas été satisfaite.
Parce que cette demande est très forte, on exploite le tantale dans des conditions lamentables en République démocratique du Congo (ex-Zaïre), dans une région orientale du Congo où tout va au plus mal : il y a des difficultés graves avec le Rwanda (les massacres que l’on sait) ; c’est une région qui n’est pas complètement sous le contrôle de Kinshasa ; il y a des pilleurs.
La récolte dans les mines se fait sans technologie, de sorte que les mines s’effondrent sur les mineurs, qu’il y a des quantités de morts... C’est dramatique, mais on tire du coltan. Et ce coltan est vendu pour une bonne part sur des marchés parallèles. On le blanchit, comme on blanchit l’argent, par des mécanismes subtils qui le font finalement aboutir à deux sociétés qui sont les principaux producteurs mondiaux.
Ce trafic a amené toute une population extérieure sur les mines. Il faut que ces gens mangent. Alors, ils se nourrissent en grande partie de ce qu’on appelle la “viande de brousse”. Et la viande de brousse, ce sont des singes, que l’on tue, et en particulier des grands primates, des gorilles. Ce sont des okapis, que l’on tue aussi.
Il y a donc un rapport tout à fait surprenant entre nos téléphones portables et nos gorilles.
Il y a de moins en moins de gorilles. Les gorilles sont une espèce très menacée, en voie d’extinction. Un grand appel a récemment été lancé par l’Unesco et l’Union internationale de conservation de la nature pour protéger les grandes espèces de primates (les gorilles, les chimpanzés, les orangs-outans et les bonobos), qui sont tous menacés, les gorilles étant les plus menacés.
Quand on va sur place, on s’aperçoit que les gens mangent le gorille parce qu’il n’y a aucune prise de conscience de la protection de ces espèces dans ces milieux où, évidemment, les questions qui se posent sont celles que j’ai évoquées. L’urgence, c’est devoir manger, gagner sa vie.
Et ce qui est tout à fait tragique, c’est que la chasse de ces animaux se fait dans des parcs où, normalement, ils sont protégés et où, parce qu’ils sont protégés, ils sont plus nombreux. L’un des grands parcs du Congo est actuellement en train de perdre ses populations de gorilles. Et d’okapis aussi. Les okapis sont de petites girafes d’un mètre de hauteur, qui ont le pelage rayé à l’arrière et sont aussi des animaux rares. Ils n’existent que dans cette région du monde et sont aussi menacés.
Lorsqu’on a un objet technologique de pointe dans la main, quel qu’il soit, il a derrière lui toute une chaîne qui s’est mise en place. On n’est absolument pas conscient de cela. Je crois que les gens qui nous écoutent vont être surpris d’entendre que, quand ils utilisent leur portable, il y a derrière cela deux choses. Tout ce qu’on vient d’expliquer l’exploitation dramatique de la faune d’une région d’Afrique et des êtres humains mais il y a aussi l’aval, quand on change de portable.
Parce que chaque année, il faut changer de portable : cette année, c’était le portable qui fait des photos, l’année prochaine ce sera le portable qui fera autre chose. Il faut absolument en changer tous les ans. Donc on s’en débarrasse. Et quand on s’en débarrasse, on a le portable comme un déchet. Or, ces déchets sont très mal traités. Pour fabriquer des portables, il faut du silicium, pour l’exploitation duquel on utilise d’énormes quantités d’acide. Cet acide passe dans le sol. Il est également très mal traité.
Donc, autour de cet objet présenté comme mythologique, il y a une écologie vraiment désastreuse.
Il y a une différence entre la croissance plus on vend de portables, plus il y a de croissance et le développement durable, qui viserait à conserver les ressources en amont et à ne pas tout salir en aval par des pollutions.”
Jean-Marie Pelt est notamment l’auteur d’un très beau livre publié en 2006 aux éditions du Chêne : Ces plantes que l’on mange, où il retrace la passionnante aventure de la découverte par l’homme de ces plantes qui l’ont nourri et lui ont offert à la fois des sources d’énergie et la découverte des plaisirs gastronomiques. Illustrations couleur, photographies de Rob White.
Juillet 2007. Catherine Beaunez, dessinatrice :
Catherine Beaunez est l’une des rares femmes du dessin d’humour en France. Elle collabore à divers journaux, fait du dessin en direct pendant des congrès et colloques, et peut illustrer des plaquettes d’entreprises et des journaux associatifs. Elle a publié “Mes partouzes”, “Vive la carotte !”, “Je suis une nature” (éd. Glénat), “Liberté chérie” (éd. Albin Michel), “On les aura !” (Iconovox). Son exposition Les femmes et la politique fait le tour des mairies et des salons. Ses dessins sont sur le site www.iconovox.com.
C’est une femme libre : elle n’a pas de portable !
Contact : c.beaunez@laposte.net
Septembre 2007. Jean-Marc Siegfried, visiteur médical :
“Mon portable, au début il me servait, maintenant c’est moi qui le sert.”
Août 2007. Florence Laroche, journaliste :
“On vient sur Terre pour apprendre à être libre.”
Mai 2007. Pierre Dubois, libraire :
“Nous vivons dans une société où ce qui est bénéfique est interdit et ce qui est nuisible est autorisé, ou même obligatoire.”
|