Ampoules basse consommation

Lumière toxique (2ème partie)

Par Annie Lobé, journaliste scientifique.
Mis à jour le 24 mars 2010.

Le dossier complet

La vidéo sur les lampes basse consommation démontre qu’elles émettent des champs magnétiques, ce qui n’est pas le cas des ampoules à incandescence. Cette vidéo a eu un tel impact que le lobby de l’électricité a tenté de la discréditer par la diffusion de faux arguments. Démonstration.

Le rapport confidentiel des ingénieurs

Des ingénieurs de l’Ecole supérieure d’électricité (Supelec) et du Centre technique du bâtiment (CSTB) ont qualifié de “parfaits allumés”[1] les détracteurs des lampes basse consommation, dont je suis. Ils n’ont pas ménagé leurs critiques, tant sur Internet que dans les colonnes de la presse écrite[2].

Ainsi pouvait-on lire dans 60 millions de consommateurs en janvier 2010 : “Les mesures de champs effectuées à une distance de l’ampoule inférieure à 30 cm n’ont tout simplement aucune valeur. On ne peut exploiter de tels résultats. (…) En pratique, il est difficile avec les instruments disponibles aujourd’hui de s’approcher d’une source de champ à  moins de 30 cm, sous peine d’obtenir des résultats entachés d’erreurs grossières[3].

La distance de mesure du champ magnétique de 50 hertz dans ma vidéo aurait donc dû être, selon ces ingénieurs, de 30 centimètres.

Mais dans un rapport confidentiel présenté le 23 mai 2008 par ces mêmes ingénieurs[4], on peut voir qu’ils effectuent leurs mesures à une distance inférieure à 30 centimètres (25 centimètres) et au contact de l’ampoule. Mieux, ils présentent un graphique de mesures réalisées tous les 5 centimètres de 0 à 50 centimètres[5] !

380 V/m à l’allumage et champ résiduel, lampe éteinte

On apprend également, dans ce rapport resté confidentiel, deux autres choses fort intéressantes.

La première, c’est qu’à l’allumage, ces lampes émettent un pic de radiofréquences jusqu’à 380 volts par mètre, bien supérieur aux valeurs mesurées par Pierre Le Ruz, directeur scientifique du Criirem (Centre de recherche et d’information indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques), qui avait lancé l’alerte en août 2007.

La seconde, c’est que subsiste dans les lampes éteintes un champ résiduel de 0,3 volts par mètre. Un problème supplémentaire, que le Criirem n’avait pas mentionné.

Ces ingénieurs auraient donc pu soulever deux nouveaux lièvres. Au lieu de quoi ils ont dissimulé leur rapport et cherché à discréditer ceux qui disaient la vérité.

Ce rapport confidentiel prouvant le caractère fallacieux de leurs critiques est désormais consultable sur www.santepublique-editions.fr.

Des contre-mesures officielles très attendues

60 millions annonçait en janvier 2010 la parution d’“une série de mesure de l’ADEME sur une centaine de modèles de lampes, à 30 et 50 centimètres de chacune, avec et sans abat-jour,” dont les résultats devaient “être connus ce mois de janvier”.

Rien n’est encore sorti le 18 mars 2010.

Ces contre-mesures officielles sont promises depuis les révélations du Criirem. Le 22 mars 2009, la représentante du Criirem m’affirmait : “Nous attendons toujours le protocole de mesure de l’Afsset”. Lequel est sorti comme par enchantement à la fin de l’été 2009, daté du mois de… février 2009[6].

N’est-il pas surprenant que, dès avant la publication des contre-mesures officielles, effectivement très attendues, l’usage de ces lampes basse consommation ait été rendu quasi obligatoire par la suppression programmée des lampes à incandescence depuis septembre 2009 ?

De plus le protocole de l’Afsset daté de février 2009, qui a été rédigé par les mêmes ingénieurs que le premier rapport resté confidentiel, se limite “a priori” (p. 21) aux fréquences comprises entre 10 000 hertz et 10 millions de hertz, éludant purement et simplement les fréquences inférieures à 10 000 hertz, objets de mes mesures (50 hertz). Un examen attentif du premier rapport montre qu’il ne présente, lui aussi, que des résultats de mesures de radiofréquences, bien qu’une sonde incluant les fréquences extrêmement basses (à partir de 20 hertz) ait été utilisée.

À propos de la distance, j’ajouterai qu’il est tout à fait pertinent de quantifier l’exposition des utilisateurs situés à proximité immédiate, car il m’est arrivé de voir de telles situations lors de mesures à domicile : lampes de bureau, plafonniers de cuisine. De fait, aucune lampe basse consommation n’est entourée d’une grille de protection pour empêcher quiconque de s’approcher à moins de 30 cm…

L’ADEME et EDF ont d’ailleurs publié conjointement en 2003 une plaquette publicitaire promouvant ces lampes, dans laquelle on voit une “famille” autour d’une table, et la tête du “père” est clairement située à moins de 30 cm du luminaire ![7]

Contrôler le niveau du champ à la source d’émission

On a également objecté que l’intensité du champ magnétique diminue avec la distance et que cela n’est pas visible dans la vidéo. Mais de même que pour contrôler la vitesse des véhicules sur une autoroute, on ne met pas les radars au niveau des péages, là où les voitures sont arrêtées ou en train de ralentir, ainsi pour contrôler le champ magnétique émis par un appareil, il faut se placer au plus près de la source.

Le but de la vidéo était de montrer la différence entre le fort champ magnétique de 50 hertz émis par une lampe basse consommation et l’absence totale de ce champ dans une ampoule à incandescence. Et l’on voit bien qu’à la même distance, qu’il ne “sort” rien d’une ampoule à incandescence.

Tubes néons en miniature, des radiofréquences en plus

Autre rapport, celui du SCENIHR de septembre 2008[8]. Il confirme ce que montre ma vidéo : les champs électromagnétiques émis par les lampes basse consommation sont “plus élevés” que ceux des ampoules à incandescence.

Mais un subtil amalgame est fait entre les fréquences (p. 22).

Ainsi la présence de radiofréquences (30-60 kilohertz) est reconnue, mais sans que soient précisées leurs intensités, qui sont pourtant supérieures aux valeurs limites autorisées. Un phénomène révélé dès août 2007 par le Criirem.

Il s’agit d’une caractéristique spécifique à ces lampes, qui n’est partagée par aucun autre appareil électrique. Même les tubes néons classiques, dont les lampes basse consommation sont la version miniaturisée, en sont dépourvus : ces fréquences sont générées par les nouveaux ballasts électroniques. Sans cette technologie, pas de miniaturisation ! Et les autres appareils électriques n’émettent ni UV, ni radiofréquences et sont dépourvus de mercure.

De plus, la durée d’exposition est notablement plus longue pour les lampes que pour tous les autres appareils, utilisés plutôt alternativement que conjointement : difficile de se raser en pianotant sur son ordinateur… En revanche, pendant les soirées et les matins d’hiver, le recours à l’éclairage artificiel se cumule avec l’usage d’autres appareils, d’où l’intérêt de choisir des ampoules n’émettant aucun champ magnétique.

Ne citant aucun chiffre précis, le rapport du SCENIHR affirme que le champ magnétique de 50 hertz mesuré à 30 centimètres est “très faible”.

Mais faut-il comparer le champ magnétique émis par ces lampes à celui d’autres appareils électriques ou à celui des ampoules à incandescence ? La nuance est de taille car tous les appareils électriques émettent un champ magnétique, alors qu’aucune ampoule à incandescence n’en émet !

Quant au fait que les intensités sont “de loin inférieures aux valeurs limites fixées par les recommandations des organisations internationales”[9], ceux qui auront la curiosité de lire La fée électricité découvriront que ces recommandations sont… 250 fois supérieures aux intensités reconnues depuis 2001 comme “potentiellement cancérigènes pour l’Homme” par le Centre international de recherche sur le cancer, affilié à l’OMS.

Champ magnétique terrestre : continu et pas alternatif

Par ailleurs, des physiciens ont formulé des commentaires sur le fait que le champ magnétique terrestre, qui est de 500 milligauss, est largement supérieur aux 25 milligauss émis, dans la vidéo, par la lampe basse consommation.

Mais il faut se souvenir que le champ magnétique terrestre est un champ continu et non pas alternatif comme celui de la lampe. Ce champ magnétique terrestre est une condition sine qua non de la vie sur notre planète. Et nous y sommes si bien adaptés qu’avant de s’en affranchir et d’entrer en apesanteur, les cosmonautes doivent recevoir un entraînement intensif.

Bien au contraire, les champs magnétiques alternatifs de fréquence extrêmement basse tels que ceux émis par les lampes basse consommation sont totalement absents de la surface de la Terre. Je tiens cette information essentielle d’un radioastronome de l’Observatoire de Paris[10].

Cette distinction est importante et si l’enseignement des sciences et des techniques n’était pas aussi cloisonné, personne ne pourrait entretenir à dessein cette confusion sans fondement dans le but de continuer à mettre sur le marché un produit nocif.

Si nous sommes trompés par des discours, c’est parce que, du fait de leur absence sur Terre, aucun être vivant ne dispose d’organe de perception de ces champs alternatifs. Si nous pouvions entendre les fréquences émises par ces lampes, nous ne les supporterions pas longtemps !

Mais nos cellules, impactées en silence, peuvent être surexposées à notre insu jusqu’à ce que la maladie apparaisse.

De par la multitude de réactions biochimiques qu’elle provoque, la lumière, qui est uneonde électromagnétique, est à l’origine de la vie. Il est par conséquent vital de ne pasélectropolluer à outrance l’éclairage artificiel avec des fréquences additionnelles.

 

Texte mis à jour le 24 mars 2010. Les rapports et le document publicitaire cités dans les notes peuvent être consultés en ligne sur www.santepublique-editions.fr (voir ci-dessous).



[1]   Le Canard enchaîné, 24 février 2010 : Quand les ampoules auront des dents p. 5.

[2]  Rue89.com : Non, l’ampoule basse consommation n’est pas dangereuse, mis en ligne le 22 août 2009.
Une vidéo de désinformation, article mis en ligne le 4 septembre 2009 sur le site 60millions-mag.com, et repris sur le site Guerir.fr de David Servan-Schreiber. Voir aussi le dossier de couverture dans la version papier de 60 millions de consommateurs n° 445, janvier 2010.

[3]  60 millions de consommateurs, op. cit., p. 49.

[4]  Projet d’élaboration d’un protocole de caractérisation des émissions électromagnétiques des lampes fluorescentes compactes à économie d’énergie par Thierry Letertre, Alain Azoulay, Alain Destrez (SUPELEC, Département Télécommunication et Département d’Électromagnétisme) et François Gaudaire, Christophe Martinsons (CSTB, Pôle Eclairage, Electricité, Electromagnétisme).

[5]  Paragraphe IV.2. 1 Synthèse des résultats obtenus/Mesure du champ électromagnétique, p. 3-4 : Figure 10a, Figure 10b, Figure 11 et Figure 12.

[6] Analyse des champs électromagnétiques associés aux lampes fluorescentes compactes. Protocole de mesure de l’exposition humaine aux champs électromagnétiques. Saisine n° 0497, février 2009, par François Gaudaire (CSTB) et Thierry Letertre (Supelec). Personnalité extérieure auditionnée : Alain Azoulay (Supelec).

[7] Recto : Des économies avec les lampes basse consommation. Verso : La lampe basse consommation, un choix éclairé, ByTheWay – Réf. Médiathèque EDF PART088E2003 - ADEME réf. 4534 octobre 2003.

[8]  Light Sensitivity, 23 septembre 2008, Scientific Committee on Emerging and Newly Identified Health Risks, SCENIHR (= Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux, CSRSEN, de la Commission européenne).

[9]  Rue89.com, op. cit.

[10]  Voir La fée électricité, par Annie Lobé, SantéPublique éditions, p. 93.

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