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Nouveau capitalisme ou nouvelle guerre ? (Deuxième partie)
Par Annie Lobé, journaliste scientifique. (Texte rédigé en août 2005).
Version imprimée de cet article
Nos problèmes ne sont pas les leurs
“Ce n’est pas mon problème.” L’ultime réaction du responsable de la Commission de la sécurité des consommateurs fait écho à celle d’un responsable suisse de la santé publique interrogé sur l’autorisation d’additifs alimentaires connus pour leur toxicité : “Le risque zéro n’existe pas. On ne peut quand même pas se décharger de toute responsabilité sur l’État. La protection de la santé commence toujours au niveau individuel.” (Grimm HU (2004) Arômes dans notre assiette. Mens, France, Terre vivante, ISBN 2-914717-07-5, p. 151)
Elle est identique à celle d’un cadre dirigeant de Télédiffusion de France (TDF), qui m’a déclaré que je m’étais “trompée d’interlocuteur” car, en diffusant des ondes GSM, TDF est “comme un fabricant d’acier qui fabrique de l’acier pour Renault : si les gens se tuent en voiture, ce n’est pas son problème.”
Cette affirmation sans ambages évoque celle du jeune président d’Antennessa, rencontré sur le salon professionnel RF/HYPER en mars 2005. Sa société, basée à Plouzané en Bretagne et spécialisée dans le domaine des hyperfréquences, a mis au point un dosimètre individuel de champs électromagnétiques hyperfréquences capable d’effectuer des enregistrements pendant plusieurs heures et destiné à être porté à la taille. À la demande de scientifiques dont il a refusé de me donner les noms, Frédéric Perrot a bridé ses dosimètres à 5 volts par mètre, alors que la réglementation autorise des niveaux jusqu’à 41, 58 et 61 volts par mètre selon les fréquences.
Comme je lui disais qu’en acceptant de brider ainsi ses produits, il ouvrait la voie à des études scientifiques masquant la réalité de l’exposition des riverains, ce qui pouvait être lourd de conséquences car certaines personnes sont déjà malades, il m’a répondu, cassant : “La santé des gens, ce n’est pas mon problème.” Une phrase qu’il a répétée plusieurs fois avant de me “virer” littéralement de son stand. Il n’a pas apprécié que, choquée par sa totale absence de scrupules, j’en sois venue à le comparer aux chefs d’entreprises qui, dans les années 1930, ont facilité l’ascension d’Hitler en faisant des affaires avec lui. Ces hommes étaient, comme lui aujourd’hui, seulement désireux de faire tourner leur entreprise. ( ?. rechercher étude épidémio européenne Simon Mann MTHR “dosimètres fournis par France Telecom” ; Etude : Schuz J, Mann S (2000) A discussion of potential exposure metrics for use in epidemiological studies on human exposure to radiowaves from mobile phone base stations. J Expo Anal Environ Epidemiol Nov-Dec ; 10(6 Pt1) : 600-5 ; le résumé ne parle pas de dosimètres individuels).
Pourquoi témoigner de ces mésaventures ? Quel que soit le secteur d’activité dans lequel vous évoluez, il est probable que vous en connaissiez d’autres : ces “dessous”, cet “irracontable” auquel seuls les professionnels ont accès. Même si vous mettez en garde vos proches, famille et amis, cela ne suffit pas. Car dorénavant, vous serez conscients qu’il en va ainsi partout et pour tout. Oui, ailleurs, c’est pareil ! Dans tous les domaines, à tous les échelons, des gens payés pour nous protéger ne font pas leur travail.
L’accumulation de ces comportements rend possible la présence de faibles doses dangereuses sur le long terme dans des biens de consommation courante d’apparence inoffensive. S’il peut se prémunir dans les quelques secteurs qu’il connaît, chacun se retrouve forcément piégé dans les innombrables sphères qu’il ne connaît pas. En raison d’un important cloisonnement au niveau de la formation, ceux qui connaissent la physique ignorent tout de la chimie, et vice versa. Ainsi, nous nous entretuons mutuellement en ne faisant pas, ou en faisant mal, le travail pour lequel nous sommes payés. Sauf à considérer que notre ultime mission est la destruction de nos congénères…
Faibles doses toxiques
Cette destruction qui nous guette est insidieuse. Elle repose sur la consommation volontaire et répétée sur le long terme de produits de consommation courante contenant de faibles doses toxiques. Dans la boisson et la nourriture : résidus d’engrais et de pesticides chimiques employés dans l’agriculture, additifs alimentaires intégrés au moment de la transformation des produits. Sur notre peau, ingrédients allergisants, voire cancérogènes, dans les produits cosmétiques. Dans l’atmosphère et le sol, ondes électromagnétiques de faible puissance. L’empoisonnement lent.
Mais pour s’opérer, cette destruction requiert notre consentement. Le refus de la consommation de ces produits mettrait un terme au processus. “Le client est roi”. En la matière, comme pour les élections démocratiques, chaque décision individuelle compte. Un homme, une voix. Une femme, une voix. En réalité, chaque décision individuelle compte pour plus d’une voix, car elle peut être contagieuse.
Ainsi pour la première fois depuis longtemps, les Français se sont mobilisés pour le référendum sur la Constitution européenne en mai 2005. Ceux qui avaient des convictions essayaient de les transmettre à leurs proches. Ceux qui n’en avaient pas confiaient leurs doutes. Tout le monde en a parlé, tout le monde y a pensé, tout le monde s’est positionné. Pour ou contre. Dans un vote comme celui-là, l’abstention n’avait aucun sens. Dans la vie, c’est pareil. Vivre ou mourir ? Il n’y a pas d’autre choix possible.
Survivre en sélectionnant les produits ou mourir à petit feu en consommant n’importe quoi ? Il n’y a pas d’autre choix possible. Un choix que personne ne fera à notre place.
Des proies faciles
Pendant votre enfance, avez-vous jamais joué à tuer des insectes, des fourmis par exemple ? Souvenez-vous de la déconcertante facilité avec laquelle vous pouviez exterminer un grand nombre d’entre elles. Pendant que ses voisines se font écraser d’une pichenette, chaque fourmi continue son petit bonhomme de chemin, inattentive au drame qui se joue autour d’elle, inconsciente qu’au-dessus d’elle, quelqu’un a décidé de la tuer elle aussi. Ce n’est qu’au moment où vous la touchez directement qu’elle presse le pas, accélère sa course dans le but de vous fuir. Mais il est trop tard, elle est déjà dans votre collimateur et vous lui faite un sort sans difficulté.
Lorsque, marchant dans la rue, je croise des passants avec une cigarette ou un téléphone portable à la main, je ne peux m’empêcher de penser que nous sommes un peu comme ces fourmis. Nous voyons des gens encore jeunes tomber autour de nous : cancer par-ci, arrêt cardiaque par-là, et nous attendons les bras ballants qu’un malheur nous frappe pour réagir. Mais alors, il est trop tard. La moitié des fumeurs meurt-elle de son addiction ? Oui ! Que l’information soit aujourd’hui disponible n’empêche pas les jeunes de commencer à fumer avant leur majorité, avec le consentement tacite de leurs parents et grands-parents. Le téléphone portable est-il dangereux ? Oui ! Le même déni s’applique.
Si nous étions les témoins visuels des arcanes de la prise de décision dans les instances ad hoc de l’administration et dans les entreprises, il est probable que nous serions très motivés pour y regarder à deux fois avant de mettre certains produits dans notre caddie, puis dans notre bouche, sur notre peau ou dans notre salon, notre chambre ou notre cuisine. Prise individuellement, chaque décision laxiste a peu d’importance. Le problème, c’est le nombre de décisions laxistes qui sont prises jour après jour et qui finissent par transformer la consommation courante en flirt avec la mort.
Je me suis longtemps interrogée sur la signification que le général de Gaulle donnait à son affirmation : “Les Français sont des veaux.” Ayant conversé avec des centaines de personnes, j’ai été plus souvent frappée par leur sagesse, leur perspicacité et leur conscience que par leur médiocrité. La générosité qui s’exprime dans les actions humanitaires, l’altruisme qui fleurit dans les associations, l’inventivité qui se rencontre dans les salles toujours pleines de l’Institut national de la propriété industrielle à Paris, voilà ce que sont les Français.
J’ai beaucoup de respect pour ce peuple dont les ancêtres rédigèrent la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, véritable chef d’œuvre universel et intemporel qui élargissait le cadre de référence de son époque. “Tous les hommes naissent libres et égaux en droit.” Fallait-il croire en l’humanité pour écrire des mots si beaux !
Alors, que signifient les dures paroles du Général ? Peut-être fustigeait-il tout simplement la docilité avec laquelle nous sommes collectivement capables de nous laisser mener à l’abattoir sans broncher ?
Nouvelles formes de guerre
Avez-vous déjà entendu parler du concept de la “guerre zéro mort” ? Inventé pour rendre la guerre acceptable par l’opinion publique en dissociant dans les esprits deux notions pourtant inséparables, celle de “guerre” et celle de “mort”, qui font et feront toujours peur à la majorité d’entre nous, y compris aux militaires, il consiste à faire la guerre à distance. À combattre l’ennemi assis dans un fauteuil, en appuyant sur des boutons pour envoyer des missiles et des drones. Les frappes aériennes “chirurgicales” (comme si la guerre était faite pour soigner…) sont le fait de pilotes de chasse eux-mêmes à l’abri, à des kilomètres au-dessus de leurs cibles. L’observation sur le terrain est remplacée par la vision “satellite”. Dans ce concept, la guerre n’est plus faite de combats entre soldats. Les populations civiles et désarmées ne sont pas épargnées, bien au contraire : “Les femmes et les enfants d’abord.”
La guerre du Kosovo en 1999, la guerre d’Afghanistan en 2001, la Seconde Guerre d’Irak en 2003, montrent que ce tournant s’est définitivement opéré. Non pas que le bombardement de civils soit une chose nouvelle : le premier exemple de l’emploi massif de la puissance aérienne contre la population civile fut donné par le Japon en 1937, lors de sa guerre contre la Chine. (Willmott HP, Cross R, Messenger C (2005) Seconde Guerre mondiale. Bagneux, Sélection du Reader’s Digest, ISBN 2-7098-1595-8, p. 26)
La nouveauté de ces dernières années, c’est que les frappes aériennes sont utilisées jusqu’à reddition de l’ennemi, avant l’entrée en action des forces terrestres. Le combat de face à face entre fantassins, qui constituait autrefois l’essence même de la guerre, n’oppose plus désormais que des soldats déjà vaincus à des soldats déjà victorieux.
Quand vous êtes confronté jour après jour à cette violence insoutenable de l’omniprésence de la mort pendant la guerre, à cette montée d’adrénaline quotidienne, comment ne pas être séduit par le concept “zéro mort” qui permet aux chefs militaires de ne pas s’exposer ?
Dans son livre DGSE Service Action, un agent sort de l’ombre (2005, éditions Privé), Pierre Martinet dépeint d’emblée, en quelques pages, l’horreur de la traditionnelle guerre “entre soldats” de force égale (p. 13-25). Au début de sa carrière, il n’est pas agent secret mais parachutiste. Petit-fils d’un résistant qui a fait le débarquement en Provence avec le général de Lattre de Tassigny en 1944, fils d’officier, il s’est lui aussi engagé pour la défense de la France. Pendant une mission à Beyrouth en 1982, un camion-suicide rempli d’explosifs est lancé contre un poste français. Bilan : 58 morts. Je vous passe les détails de l’extraction des corps de l’amas de fer et de béton, l’odeur, les plaintes qui s’élèvent des décombres mais cessent après trois jours.
Quelques jours plus tard, en traversant une cité, sa patrouille se fait mitrailler par des tireurs invisibles postés sur un immeuble (op. cit. p. 29-34). Aucun blessé, mais les balles ne sont pas passées très loin. Le lieutenant décide de retourner sur les lieux. “Armés et prêts à tirer, les soldats du groupe avaient les mâchoires serrées. Tout comme eux, j’avais un goût de sang dans la bouche. Il fallait qu’on bute quelqu’un ce soir.”
Ils pénètrent dans tous les appartements, demandent aux occupants s’ils ont vu quelque chose. “Les femmes et les enfants réveillés en sursaut ouvraient de grands yeux. Ils n’avaient rien vu.”
Bredouilles et prêts à repartir, ils se trouvent nez à nez avec une voiture qui arrive à ce moment-là. L’ordre fuse. La décharge du lance-roquette part. Frôle la voiture. Finit sa course dans un immeuble. Explose dans un appartement.
“Nous avons regardé cela, incrédules. (…) Ce soir-là, j’ai compris que l’expression ‘louper une cible’ deviendrait plus tard, dans la bouche de nos officiers de presse, un ‘dommage collatéral’. De toute façon, c’étaient eux qui avaient commencé. Cette nuit-là, on a fait beaucoup de dommages collatéraux.”
Y a-t-il eu des corps à dégager sous les décombres ? Ils ne l’ont peut-être jamais su. En tout cas, ils n’ont pas eu à le faire eux-mêmes. “Trop d’adrénaline tue l’adrénaline”, affirme Pierre Martinet, dont je salue au passage la franchise et admire le courage : il a eu assez d’éthique pour quitter ce en quoi il ne croyait plus, après dix ans de bons et loyaux services comme “OS” du renseignement.
Spectaculaire mais moins meurtrier
Autre nouvelle forme de guerre, le terrorisme. En France, détournement d’un Airbus sur Marignane en décembre 1994. À Paris, attentat du RER à la station Saint-Michel le 25 juillet 1995, puis, deux mois après, le 17 octobre, celui du musée d’Orsay suivi de peu par celui dans la rame de RER, à la station Port-Royal (op. cit. p. 195). À New York, destruction des tours jumelles du World Trade Center le 11 septembre 2001. À Madrid, attentat dans une gare le 11 mars 2004. À Londres, le 8 juillet 2005. Chaque année, la liste s’allonge dans le monde entier. Certains pays ne sont jamais touchés (pourquoi ?), tandis que d’autres sont frappés à maintes reprises.
Spectaculaire, le terrorisme. Mais finalement peu meurtrier en nombre. Quelques dizaines de personnes par-ci, quelques centaines par-là. Quelques milliers, exceptionnellement. En Espagne, de loin le pays européen le plus touché avec le terrorisme basque, 800 personnes en sont mortes en vingt ans. Chaque vie compte et chaque mort sème la désolation.
On est cependant loin des centaines de milliers de victimes annuelles des agents perturbateurs du signal calcique, présents dans notre environnement, notre alimentation et nos produits de consommation courante. L’ion calcium est un messager cellulaire dont une perturbation est en cause dans toutes les maladies dites “de civilisation”. Non seulement les ondes électromagnétiques de la téléphonie mobile et de l’électricité domestique, mais aussi la nicotine, la caféine et l’éthanol présent dans l’alcool, et nombre d’autres toxiques connus comme le plomb et le mercure, ont pour cible privilégiée la signalisation cellulaire de l’ion calcium, ou signal calcique. (Voir Mécanisme d’action des ondes électromagnétiques sur les organismes vivants, Annie Lobé, SantéPublique éditions).
Ces agents perturbateurs du signal calcique provoquent chaque année la mort de près de 350 000 personnes en France, dont plus d’une sur cinq, soit 74 000, est âgée de moins de 65 ans (calculs effectués d’après les données du CépiDc 1999 ; voir La Fée électricité : Fée ou sorcière, Annie Lobé, SantéPublique éditions, p. 307-312, à propos de la surmortalité prématurée dans notre pays).
Dans l’Europe des Quinze, la mortalité par cancer, pathologie résultant également d’une perturbation du signal calcique, dépasse 100 personnes pour 100 000 habitants, la France emportant la palme avec 150 décès pour 100 000 (les pays de l’ex-bloc soviétique ont des taux de mortalité encore supérieurs ; la Hongrie bat tous les records de l’Europe des Vingt-Cinq avec 230 décès par cancer pour 100 000 habitants ; l’Europe occidentale n’est donc pas la seule à être concernée par les pathologies impliquant le signal calcique).
Mais les morts par cancer sont disséminées dans l’espace et dans le temps, cachées dans le giron des hôpitaux, et jamais photographiées, filmées ou médiatisées. Tandis que les morts par terrorisme sont concomitantes, violentes, visibles et soudaines. Elles choquent. Les services secrets français en ont fait leur principal domaine d’intervention. Depuis dix ans, nos agents de renseignement ne font plus que cela : traquer les terroristes dont on craint les attaques à l’explosif, au gaz sarin ou à l’anthrax. Sept juges d’instruction et une centaine de fonctionnaires des Renseignements généraux sont affectés à cette seule tâche (Paris Match, 6 octobre 2005 : « En première ligne contre le terrorisme : ils sont sept juges pour protéger la France contre la pire des menaces », p. 60-63).
La guerre des “faibles doses”, numériquement plus efficace
On comprend qu’obnubilé par ces nouvelles formes de guerre, personne n’ait vu venir celle qui consiste à tuer la population à petit feu. La guerre des faibles doses sur le long terme. Numériquement, c’est pourtant la plus efficace, comme en témoignent les chiffres de la surmortalité prématurée en France depuis plus de dix ans.
Les armes de guerre contre les Européens ne sont plus des fusils à baïonnette, des mitraillettes, des obus, des missiles, des canons, des chars ou même des bombes sophistiquées. Les nouvelles “armes de destruction massive” en Europe sont les toxiques d’origine chimique, gazeuse et électromagnétique autorisés dans des produits de consommation courante et répandus dans l’environnement quotidien. Quels qu’ils soient, nos assaillants sont d’autant plus sûrs de gagner cette “guerre des faibles doses” qu’ils n’ont jamais eu l’esprit assez chevaleresque pour nous la déclarer et qu’elle se déroule à notre insu.
Comment cette “guerre” a-t-elle commencé ?
Dans tous les secteurs, nous l’avons vu, les chefs d’entreprises, leurs salariés et même les fonctionnaires s’abritent derrière le paravent de la législation. Tous répètent en chœur le même refrain : “Nous respectons la réglementation.” Lorsque l’amiante était encore utilisée en France, avant 1996, les industriels qui l’employaient se justifiaient avec le même argument.
Mais qui élabore ces réglementations ?
Fin 1999, Sylvie Robert, journaliste au Monde diplomatique, affirmait lors d’une conférence organisée par l’association Attac : “60 % des textes législatifs en vigueur en France émanent du niveau européen. Mais le Parlement européen élu ne dispose pas, comme en France, du pouvoir de proposer des lois. Il ne peut qu’accepter ou refuser les textes rédigés par la Commission ou le Conseil des ministres européens. Lesquels ne subissent jamais directement la sanction des urnes.”
La Commission européenne est constituée de fonctionnaires bardés de diplômes et très bien rémunérés. J’ai rencontré en 1997 Charlotte, une Irlandaise qui y gagnait 105 000 euros par an (700 000 francs) nets d’impôt. Vivent-ils vraiment sur la même planète que ceux à qui s’appliquent leurs décisions ?
Quant au Conseil des ministres européen, il est formé par le collège des ministres en exercice, à l’instant T, dans les différents pays de l’Union et change au gré des remaniements ministériels des gouvernements.
Autrement dit, dans notre Europe “démocratique”, le peuple ne choisit pas directement les preneurs de décisions.
La “guerre” de l’Union européenne contre les Européens
Les réglementations européennes sont-elles favorables aux Européens ? S’agissant des deux dossiers sur lesquels j’ai enquêté de façon approfondie, la téléphonie mobile et les colorants, il est clair que non. Concrètement, voici comment les choses se passent.
Avant la mise en place de la directive européenne 94/36/CE transcrite en droit français par l’arrêté du 2 octobre 1997, le colorant azoïque Rouge Allura (E129) était interdit en France. Depuis, il est autorisé. Ce qui porte à onze le nombre de colorants azoïques autorisés dans tous les pays de l’Union européenne, devenue leader mondial en la matière.
Le saviez-vous ? Le mythe de l’Amérique championne toutes catégories en matière de colorants ne correspond plus à la réalité : sur trente-neuf colorants alimentaires actuellement autorisés aux États-Unis, neuf sont des colorants de synthèse, dont trois azoïques. En Europe, quarante-trois colorants sont autorisés dans les denrées alimentaires (soit quatre de plus), dont vingt et un sont des colorants de synthèse (douze de plus qu’aux USA), parmi lesquels onze azoïques, soit huit de plus que chez l’Oncle Sam. Nous sommes donc désormais loin devant les Américains pour le nombre de colorants de synthèse et azoïques autorisés. Tandis que deux grandes vagues d’interdiction en 1976 et 1990 protégeaient la population américaine, la directive européenne de 1994 imposait aux ressortissants de l’Union d’accepter plus de colorants. C’est ainsi que le colorant allergisant de couleur jaune tartrazine (E102), auparavant interdit en Autriche et en Norvège, y est désormais autorisé.
En cas de désaccord entre la Commission et le Parlement, c’est la première qui l’emporte. Ce qui s’est produit dans le domaine des rayonnements dits “non ionisants” et de la téléphonie mobile. Le 11 juin 1998, la Commission demande au Parlement européen son avis sur une proposition de recommandation élaborée par le comité scientifique de la DG XXIV. Formulé fin 1998 dans un rapport dit “Tamino”, du nom de son rapporteur, l’avis du Parlement révise à la baisse les valeurs proposées.
“Conformément au principe de précaution (article 130 R du traité), il faut recommander des limites d’exposition également pour les effets non thermiques qui peuvent se manifester à longue échéance”, conclut le rapporteur en demandant de “modifier le texte de la Commission et de déterminer comme valeur maximum d’exposition admissible, à atteindre au cours des dix années qui suivent, (…) 1 volt par mètre dans la gamme de fréquence de 400 kilohertz à 300 gigahertz.” (Parlement européen (1998) Résolution législative portant avis du Parlement européen sur la proposition de recommandation du Conseil relative à la limitation de l’exposition du public aux champs électromagnétiques (0 Hz-300 GHz). COM(98)0268 C4-0427/98/0166(CNS))
Que fait la Commission européenne ? Elle ne tient aucun compte de cet avis. Les valeurs qu’elle retient le 12 juillet 1999 restent identiques, soit plusieurs dizaines de fois supérieures à celles préconisées par l’avis du Parlement. De plus, elles sont croissantes en fonction de la fréquence : 41,2 volts par mètre pour la téléphonie mobile GSM à 900 mégahertz ; 58,2 volts par mètre pour le GSM à 1 800 mégahertz ; et 61 volts par mètre pour la téléphonie mobile de troisième génération UMTS à 2 100 mégahertz (Louppe B (2001) Pollutions électromagnétiques : origines, effets biologiques, dépistage, solutions. Jambes, Nature & Progrès Belgique, Cahier n° 9. Adresse : 520, rue de Dave, 5100 Jambes, tél. 00 32 081/30 36 90, fax 00 32 081/31 03 06, p. 71).
Or, la résolution législative du Parlement était ainsi libellée : “Le Parlement européen (…) 1. approuve, sous réserve des modifications qu’il y a apportées, la proposition de la Commission ; 2. demande à être à nouveau consulté au cas où le Conseil entendrait apporter des modifications substantielles à la proposition de la Commission.” Cette résolution n’a pas été respectée. Pourtant, la règle concernant la prééminence entre les deux institutions est la suivante : la Commission propose, le Parlement dispose. La recommandation de la DG XIII concernant la téléphonie mobile est donc illégale. À ce jour, aucune association, aucun avocat n’a intenté d’action judiciaire pour remédier à ce passe-droit que la Commission européenne s’est octroyé à elle-même.
À la différence de la directive sur les colorants, qui s’impose à tous, le texte de la Commission pour la téléphonie mobile est une recommandation. Ce qui laisse en théorie toute latitude aux pays de l’Union pour l’adopter ou la renforcer. Ainsi l’Italie, qui avait dès 1998 promulgué un décret fixant “une limite d’exposition pour les répéteurs radiotélévisuels et cellulaires de 6 volts par mètre (10 microwatts par centimètre carré) dans les immeubles habités ou occupés à des fins professionnelles pendant plus de quatre heures par jour”, a pu conserver ce seuil de protection cinquante fois plus faible que la recommandation européenne (op. cit. p. 67 et Journal officiel italien 1998).
Pour autant, aucun pays de l’Union n’a à ce jour tenu compte de la préconisation du Parlement européen, qui était de 1 volt par mètre au maximum (0,02 microwatts par centimètre carré). Le choix des représentants élus par le peuple a été bafoué dans la plus totale indifférence.
L’Europe est le continent sur lequel le taux de pénétration des téléphones portables est le plus fort : 78 % de la population est d’ores et déjà utilisatrice. 73,3 % en mars 2002 <http://www.journaldunet.com/cc/05_mobile/mobile_marche_eu.shtml>.
Les fonctionnaires de la Commission sont-ils conscients qu’ils conçoivent, fabriquent et entretiennent les rouages d’une machine destinée à les broyer, eux aussi ? Le rejet de la Constitution européenne par la majorité des Français et des Néerlandais en mai et juin 2005 constitue le premier désaveu cinglant que ceux qui dirigent l’Europe aient essuyé depuis le oui massif à Maastricht en 1992. Les revenus conséquents qui leur sont octroyés seront sans doute des canots de sauvetage lors du naufrage du Titanic qu’ils conduisent. Mais que devient-on, seul sur l’océan, dans un canot de sauvetage, si aucun navire ne répond plus à l’appel parce que tous ont déjà sombré ?
Compte tenu d’un important cloisonnement des compétences, à la Commission comme ailleurs, les eurotechnocrates peuvent “se faire avoir” dans des domaines qui ne relèvent pas de leurs compétences.
Lors d’une réunion sur le principe de précaution à Luxembourg, dans des locaux des institutions européennes, le 24 février 2003, Larry Goldstein, membre de l’Organisation mondiale de la santé, se trouvait parmi les participants. Il plaidait pour la non-application du principe de précaution aux champs électromagnétiques. Comme nous étions assis côte à côte, je lui ai demandé : “Est-ce que vous avez un portable ?” (Do you have a mobile phone ?)
Non, je n’en ai pas (No, I don’t have one), a-t-il répondu.
Pourquoi ? (Why ?), ai-je insisté.
Pas parce que c’est dangereux ! (Not because it’s dangerous !), s’est-il exclamé.
Mais je n’ai rien réussi à en tirer de plus : cet homme apparemment informé était avare d’information. En revanche, un eurofonctionnaire de la DG XIII m’a montré son téléphone portable… dont il ne se méfiait apparemment pas. Comme quoi les eurotechnocrates peuvent aussi “se faire avoir” dans leur propre domaine de compétence !
L’Europe : une grande idée pour la paix, transformée en insidieuse machine de guerre
Par ses réglementations à contresens de la santé publique, Bruxelles fait le lit de la destruction des ressources humaines des pays qu’elle fédère. C’est cela aussi, la guerre. Car qu’est-ce qu’une guerre, sinon la destruction des forces vives de l’adversaire, leur soumission à des diktats autoritaires et la spoliation de leurs biens ? Aujourd’hui, l’Europe est pareille à un troupeau d’aurochs au bord d’une falaise : prête à succomber à l’ingéniosité de chasseurs qui ne luttent pas avec leur force mais avec leur intelligence, exploitant les ressorts psychologiques de leurs ennemis (nous) pour les piéger dans une consommation “pratique” mais insidieusement rendue mortifère.
Prenez l’attirance des consommateurs pour le confort, dès les années 1970.
Ajoutez l’appât du gain d’industriels qui ont cru, au début des années 1980, au mirage de bénéfices issus de productions à bas prix de l’autre côté de la planète en Asie du Sud-Est, avant de déchanter après que les transferts technologiques ont donné lieu à des pillages technologiques (de telles mésaventures n’auraient pas eu lieu si les industriels avaient implanté leurs sites de production en Afrique noire, plus proche et toujours sous contrôle depuis des dizaines d’années, malgré les apparences. (Verschave FX (1998) La Françafrique. Paris, Stock, ISBN 2-234-04948-2 et Verschave FX (2000) Noir silence. Paris, Les Arènes, ISBN 2-912485-15-0)
Faites monter la peur de tous d’être frappés par une crise artificiellement créée dans les années 1990 par les délocalisations qui détruisent les emplois et les dérégulations qui fragilisent les entreprises (voir à ce sujet l’excellent livre d’Agnès Bertrand et de Laurence Kalafatides OMC, le pouvoir invisible, Fayard 2002).
Vous obtenez dans les années 2000 une population privée de la liberté de dire non à ce qu’elle réprouve, même lorsqu’elle s’aperçoit qu’elle a mis le doigt dans un engrenage infernal.
Au nom de quoi les évolutions économiques des quinze dernières années ont-elles été faites ? Au nom de la liberté du commerce. C’est ce principe que le Conseil d’État français a invoqué pour interdire aux maires de protéger leurs administrés contre les antennes-relais (voir à ce sujet : Le danger des antennes-relais, Annie Lobé, SantéPublique éditions). “Au nom du peuple français”, comme chaque décision prise par cette assemblée de sages suprêmes. C’est encore au nom de la liberté du commerce que les directives européennes, dont c’est le maître mot, nivellent par le bas la protection sanitaire, sociale et environnementale des populations.
La liberté du commerce, qui en veut si elle enchaîne les hommes ?
Le gouvernement d’un pays européen qui voudrait reprendre la haute main sur la prévention en matière de santé publique se heurterait immanquablement aux règlements édictés par la Commission. Par exemple, la prévention des allergies passe par l’interdiction totale des colorants azoïques dans les produits alimentaires et cosmétiques. Une décision illégale au vu des textes actuels !
Autorisation de fortes puissances d’ondes électromagnétiques en continu, autorisation de colorants allergisants dans l’alimentation et les produits cosmétiques ou ménagers, autorisation de l’irradiation radioactive des aliments à des fins de conservation, possibilité d’incorporer des polluants atmosphériques connus dans les désodorisants et parfums d’intérieur (Que choisir n° 421, décembre 2004 : « Polluants d’ambiance », p. 56-61), exonération des affréteurs et des propriétaires de bateau à titre individuel en cas de marée noire (c’est un fonds collectif d’indemnisation, Fipol, qui assume le dédommagement des victimes ; aux États-Unis, il n’y a pas eu une seule marée noire depuis que les propriétaires du navire et de la cargaison ont une responsabilité totale illimitée quant aux dégâts causés ; Capital, juin 2005 : « Environnement : 10 solutions pour sauver la planète », p. 28).
Depuis au moins dix ans, l’Europe livre aux Européens une guerre sans merci. La guerre des réglementations aberrantes et des “faibles doses”.
Une génération pour exterminer une population
Permettez-moi, pour terminer, de remonter le temps, de revenir à une page sombre de l’histoire de l’humanité, afin d’en tirer un enseignement. Madame Claude Vaillant-Couturier, infirmière, a été entendue comme témoin dans le cadre du procès de Nuremberg contre les criminels de guerre nazis. Voici son témoignage (Tribunal militaire international, Nuremberg Tome VI (1947) Procès des grands criminels de guerre devant le tribunal militaire international. Publié par le secrétariat du tribunal sous la juridiction des autorités alliées de contrôle pour l’Allemagne. Texte officiel en langue française, tome VI : 22 janvier 1946 4 février 1946, p. 220) :
“En ce qui concerne les expériences, j’ai vu dans le Revier (infirmerie), car j’étais employée au Revier, la file de jeunes juives de Salonique qui attendaient, devant la salle des rayons, pour la stérilisation. Je sais, par ailleurs, qu’on opérait également par castration dans le camp des hommes. En ce qui concerne les expériences faites sur les femmes, je suis au courant parce que mon amie, la doctoresse Hadé Hautval, de Montbéliard, qui est rentrée en France, a travaillé pendant plusieurs mois dans ce bloc pour soigner les malades. Mais elle a toujours refusé de participer aux expériences. On stérilisait les femmes, soit par piqûres, soit par opérations, ou également avec des rayons. J’ai vu et connu plusieurs femmes qui avaient été stérilisées. Il y avait parmi les opérées une forte mortalité. Quatorze Juives de France, qui avaient refusé de se laisser stériliser, ont été envoyées dans un commando de Strafarbeit, c’est-à-dire punition de travail.”
Monsieur Dubost (président du tribunal) : “Quel était le but poursuivi par les SS ?”
Madame Vaillant-Couturier : “Les stérilisations. Ils ne s’en cachaient pas ; ils disaient qu’ils essayaient de trouver la meilleure méthode de stérilisation pour pouvoir remplacer, dans les pays occupés, la population autochtone par des Allemands, au bout d’une génération, une fois qu’ils auraient utilisé les habitants comme esclaves pour travailler pour eux.”
En 1937, alors qu’un embargo économique saignait l’Allemagne à blanc et compromettait la réalisation du programme qu’Hitler avait en tête pour l’Europe, des chefs d’entreprises de quarante-deux pays ont assisté à Berlin au congrès de la Chambre de commerce internationale, organisé par Thomas J. Watson, président de la société International Business Machinery (IBM) (Black E (2001) IBM et l’ Holocauste. Paris, Robert Laffont, ISBN 2-221-09276-7, p. 158-161). S’ils avaient été informés de ce volet du “programme”, auraient-ils accepté de collaborer ? Parmi les sociétés qui ont œuvré au service du nazisme, sont toujours prospères aujourd’hui : IBM, Siemens et les “trois sœurs” de la chimie Bayer, BASF et Hoechst regroupées au sein d’IG-Farben en 1925, puis décartellisées en 1947 (Black 2001, p. 107, 108, 287, 386, 390, 396, 418, 485 ; et Et Le Gloannec AM (1995) L’État de l’Allemagne. Paris, La Découverte, ISBN 2-7071-2339-0, p. 317)., p. 317).
Qui sait si le “programme” s’est vraiment arrêté en 1945 ? Deux générations après, tout se passe en effet comme s’il se poursuivait silencieusement à l’insu de tous, dans certains pays plus que d’autres.
Entre 1940 et 1990, la teneur en spermatozoïdes d’un millilitre de sperme a diminué de près de 50 % (de 113 millions par millilitre en 1940 à 66 millions par millilitre en 1990). Mais ce n’est pas tout. La quantité moyenne de liquide séminal de chaque éjaculat a également diminué d’un cinquième : de 3,40 ml à 2,75 ml, ce qui, d’après les chercheurs qui se sont livrés à la méta-analyse de 61 études publiées entre 1938 et 1991, “indique une diminution de la production de sperme encore plus prononcée que le seul déclin de la densité du sperme”. (Carlsen E, Giwercman A, Keiding N, Skakkebaek NE (1992) Evidence for decreasing quality of semen during past 50 years. British Medical Journal, sept 12 ; 305 (6854) : 609-613)
En outre, l’incidence des cancers des testicules a été multipliée par trois ou quatre depuis 1940 et des anomalies congénitales, telles la cryptorchidie [absence des deux testicules dans les bourses, par suite de leur arrêt dans l’abdomen] et l’hypospadias [division de la paroi inférieure de l’urètre avec un orifice anormal situé à une distance variable de l’extrémité du gland], sont devenues plus courantes. (Giwercman A, Carlsen E, Keiding N, Skakkebaek NE (1993) Evidence for increasing incidence of abnormalities of the human testis : a review. Environ Health Perspect 101 Suppl 2 : 65-71)
Selon les chercheurs : “La cause de l’accroissement marqué de la fréquence des anomalies testiculaires sur une période relativement courte peut être attribuée à des facteurs environnementaux plutôt que génétiques. Des facteurs étiologiques [causes] dotés d’effets adverses sur les gonades mâles [testicules] pourraient être suspectés d’une action prénatale. Cependant, des influences postnatales peuvent aussi avoir un effet délétère sur la fertilité masculine. Du point de vue de la reproduction, un impact accru sur les gonades humaines mâles est problématique.”
Le déclin de la fertilité masculine a été précisé par une autre équipe qui a réanalysé les données publiées en 1992 (Swan SH, Elkin EP, Fenster L (1997) Have sperm densities declined ? A reanalysis of global trend data. Environ Health Perspect 105 : 1228-1232) : il ne concerne en fait que les États-Unis, l’Europe et l’Australie ! Les chercheurs ont ensuite inclus d’autres travaux publiés entre 1934 et 1996, soit un total de 101 études (Swan SF, Elkin EP, Fenster L (2000) The question of declining sperm density revisited : an analysis of 101 studies published 1934-1996. Environ Health Perspect oct ; 108 (10) : 961-6). Cette nouvelle méta-analyse confirme les résultats précédents.
Les Français, et tout spécialement les Parisiens, ne sont pas épargnés : entre 1973 et 1992, la quantité de spermatozoïdes chez 1 351 hommes sains et fertiles a diminué d’un quart, soit une chute de 2,6 % par an (de 89 millions par millilitre en 1973 à 60 millions par millilitre en 1992). Une réduction quantitative doublée d’une baisse de la qualité : le pourcentage de spermatozoïdes motiles [dotés de la capacité à se mouvoir] a décru de 0,3 % chaque année et celui des spermatozoïdes normaux de 0,7 % chaque année) et ce indépendamment de l’âge des sujets (en revanche, la quantité de sperme à chaque éjaculation n’a pas décru dans cette étude…). (Auger J, Kunstmann JM, Czyglik F, Jouannet P (1995) Decline in semen quality among fertile men in Paris during the past 20 years. N Engl J Med Feb 2 ; 332 (5) : 327-8)
Quelles sont les causes de cet inquiétant phénomène ? Le système reproducteur est intimement dépendant du signal calcique : c’est l’ion calcium qui est à l’origine de l’érection, rend motiles les spermatozoïdes immatures et stimule l’éjaculation (voir Mécanisme d’action des ondes électromagnétiques sur les organismes vivants, op. cit.). Le déclin de la fertilité masculine compte donc au nombre des pathologies impliquant le signal calcique. Ses causes probables incluent les agents actifs sur le signal calcique que sont les ondes électromagnétiques, et particulièrement les ondes de fréquences extrêmement basses de l’électricité domestique. Auxquelles, depuis une dizaine d’années, sont venues s’ajouter celles présentes dans les micro-ondes pulsées à usage civil : téléphones portables, téléphones sans fil d’intérieur, etc.
Il y a fort à parier que le rôle des ondes est au moins aussi important que celui des “perturbateurs endocriniens”, la seule cause identifiée à ce jour par les spécialistes. Ces molécules chimiques présentes dans des produits tels que plastifiants, solvants, détergents “imitent les hormones et agissent sur leurs récepteurs (agonistes), ou se lient aux récepteurs, prenant la place des hormones et empêchant leur rôle (antagonistes), ou encore interfèrent avec la production, le transport ou l’excrétion des molécules hormonales, androgènes, œstrogènes…” (Cicolella A (2005) Alertes santé. Paris, Fayard, ISBN 2-213-61918-2, p. 234 ; le concept de “perturbateur endocrinien” a été élaboré par Niels Skakkebaek, l’un des membres de l’équipe auteure de la première étude sur la diminution du nombre de spermatozoïdes (Carlsen 1992, op. cit.). Son explication est partagée par Richard Sharpe, qui a mis en évidence en 1986 la détérioration de la fertilité masculine par un pesticide, le DBCP, dibromochloropropane, Cicolella 2005, op. cit.).
Les femmes ne sont pas épargnées. Selon la Fondation recherche médicale, qui a consacré plus de 500 000 euros à la fertilité en 2004, “14 % des femmes en âge de procréer consultent pour infertilité !” (site Internet <http://www.jfrm.org/programme/prog_paris.php> consulté le 8 septembre 2005). Cette institution serait peut-être bien inspirée d’investiguer sur les effets des ondes électromagnétiques sur les troubles de l’ovulation, ce processus physiologique étant également dépendant du signal calcique (voir Mécanisme d’action des ondes électromagnétiques…, op. cit.).
Au niveau européen, 15 % des couples sont d’ores et déjà stériles (Belpomme D (2004) Ces maladies créées par l’Homme. Paris, Albin Michel, ISBN 2-226-14223-1., p. 129). Compte tenu de l’envahissement récent de notre environnement ambiant par les technologies sans fil à micro-ondes pulsées, qui ne peuvent qu’amplifier la tendance déjà observée, dans combien de temps serons-nous complètement incapables de nous reproduire en Europe ?
Chacun peut vérifier pour lui-même où il en est de ce point de vue. Pour les hommes, qu’ils soient adolescents, adultes célibataires ou pères de famille, c’est facile : il suffit d’un spermogramme effectué par n’importe quel laboratoire d’analyses médicales, moyennant une trentaines d’euros.
Le téléphone portable contraceptif
Objectivement, dans ce contexte déjà morose pour les spermatozoïdes, tous les utilisateurs de téléphone portable ont vraiment du souci à se faire. Une étude édifiante “pour vous, les hommes” a été présentée le 26 juin 2004 au congrès de la Société européenne de reproduction humaine et d’embryologie (ESHRE), à Berlin. Le journal britannique The Independent UK y a consacré un article dès le 28 juin 2004 (“Cell phone use can reduce sperm count”, “L’usage du téléphone mobile peut réduire le nombre de spermatozoïdes”, <http://news.independent.co.uk/low_res/story.jps?story=535756&hos3&dir=59>). <www.rense.com/general54/cellphoneusecanreduce.htm> ; à noter que le résumé de cette étude ne figure plus sur ni sur le site de l’ESHRE <http://www.eshre.com>, ni dans les archives du journal The Independent <http://news.independent.co.uk>).
Une équipe de chercheurs hongrois a mis en évidence, sur 221 hommes suivis pendant treize mois, des corrélations significatives entre la durée des communications effectuées avec un téléphone portable et la diminution de la motilité des spermatozoïdes : 36,3 % de spermatozoïdes motiles chez les utilisateurs, contre 51,3 % chez les non-utilisateurs.
Et ce n’est pas tout. Les atteintes à la fertilité masculine résultaient également du simple fait de garder le téléphone portable en veille sur soi toute la journée. Cette habitude a eu pour effet de diminuer la concentration du sperme en spermatozoïdes de 83 millions par millilitre (moyenne des témoins non exposés continuellement à un téléphone portable) à 59 millions par millilitre (moyenne des utilisateurs portant leur téléphone sur eux toute la journée).
S’il vous plaît, Mesdames, faites passer l’info à tous vos amis et amants, car la presse française a malheureusement occulté cette information qui n’aurait pourtant pas manqué d’intéresser ses lecteurs !
Ce n’est pas un poisson d’avril. L’hebdomadaire Le Point du 18 novembre 2004 (n° 1679) indiquait (p. 98) : “Dans la course à la surenchère technologique, il va falloir s’accrocher. Au dernier 3GSM congrès du mois d’avril, une entreprise belge, Phrophy-Lectric, présentait le premier téléphone portable… contraceptif ! Un simple cri et la puce émet un signal sonore ultrasonique de forte intensité, inaudible pour l’oreille humaine mais fatal à tout spermatozoïde situé dans un rayon de 6 mètres…”
D’après l’article, il ne s’agissait encore que d’un prototype. Mais au fait, Messieurs, et si à votre insu, votre téléphone portable était déjà doté de cette fonctionnalité ? Une chose est sûre, vous n’en sauriez rien, puisque le “signal contraceptif” est inaudible !
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