Pour qui voter le 22 avril 2012 quand on veut protéger la France contre un accident nucléaire ? |
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J’ai fait un rêve, ce matin
Par Annie Lobé Le 3 avril 2012 mis à jour le 13 avril 2012.
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Ce matin, je rêvais quand le réveil a sonné. J’étais dans une grande maison, avec un très grand jardin. Il y avait beaucoup de monde, venu partager un repas préparé par Jean-Luc Mélenchon. J’étais inquiète car je devais faire les présentations tout en sachant que la plupart des personnes présentes étaient plus ou moins méfiantes à son égard. Une personne lui a dit quelque chose qui l’a irrité, et il a commencé à bouillir. Je lui ai dit : « Reste calme », et il est resté calme. Je lui ai présenté une amie de Dordogne, Emmanuelle, surnommée Manue. Le repas était délicieux, l’ambiance s’est détendue. À la fin de mon rêve, tout le monde était heureux.
Quelques heures auparavant, j’ai été réveillée au milieu de la nuit, comme d’habitude. Mes pensées tournoyaient entre Mohamed Merah, sa mère, son père, leurs réactions à ses meurtres et à son assassinat par le Raid. Pour ne plus penser à ce drame, je me suis forcée à penser à l’élection présidentielle. Pour me rendormir, j’ai pensé en boucle : « Mon rêve, c’est d’avoir un deuxième tour Mélenchon Hollande ».
On a le droit de rêver.
C’est ce que j’ai pensé en lisant le programme du Front de Gauche, 2 € chez Librio. S’il se réalise, ce sera la vraie sécurité pour tout le monde, c’est-à-dire un toit sur la tête et manger à sa faim. Gagner sa vie honnêtement et pouvoir payer ses factures, et vivre en se faisant plaisir.
Son projet de débat sur le nucléaire, c’est bien mais comment contourner la mainmise d’EDF et d’AREVA à tous les échelons de la société : presse, élus, fonctionnaires… ?
Eva Joly propose de « sortir du nucléaire en 20 ans », c’est-à-dire en 2032, selon un mini journal que l’on m’a donné ce matin à la sortie du métro. Dans ce méga tract de 16 pages, le nucléaire est traité en une demi-page. Pas un mot sur l’inique accord entre Europe Ecologie-Les Verts et le Parti Socialiste signé en novembre 2011, qui accorde des circonscriptions législatives aux écologistes sans aucun engagement du PS quant à la sortie du nucléaire.
Huit mois seulement après la catastrophe nucléaire de Fukushima, les dirigeants d’EE-LV (Cécile Duflot, Jean-Vincent Placé, Denis Baupin, Yannick Jadot) n’ont même pas tenté d’expliquer à François Hollande pourquoi il faut sortir la France du nucléaire. Ils ont juste cherché à se placer (Jean-Vincent Placé, le bien nommé…). Voter pour Eva Joly ne servirait à rien d’autre qu’à leur assurer ces places tant convoitées. Mais ils ne les méritent pas puisqu’ils ont renié leur raison d’être. En Allemagne, c’est l’écologie politique qui fait avancer les autres partis. Pas en France.
Plus grave : pour respecter les délais prévus lors de la construction de nos centrales nucléaires, il faudrait arrêter celles ayant atteint 25 ans. Avec le programme d’EE-LV, on est loin du compte. Un accident reste possible, car le premier facteur de risque en France est vraiment le vieillissement des réacteurs.
J’ai parlé à Eva Joly deux fois. Le 1er mai 2011, elle a esquivé mes questions sur le nucléaire. La seconde fois, le 14 décembre 2011, je lui ai remis en mains propres une enveloppe contenant toutes les lettres que je lui avais envoyées, en lui disant que j’étais journaliste indépendante et que j’aimerais qu’elle me réponde. Elle a rétorqué : « Ce n’est pas parce que vous êtes journaliste indépendante que vous êtes propriétaire de mon temps. » J’ai été un peu interloquée. Le pire était à venir. Je lui ai dit que les personnes en charge de sa communication semblaient axer la campagne plus sur la forme (son accent, sa participation à Miss Norvège…) que sur le fond, et qu’elle devrait peut-être retourner au Japon avec eux, Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé. Deuxième réponse cinglante d’Eva Joly : « Je n’apprécie pas vos critiques ». Je lui ai fait observer qu’il ne s’agissait pas de critiques, mais de suggestions.
Elle s’est ensuite ostensiblement débarrassée de l’enveloppe que je lui avais donnée en la remettant à la personne qui l’accompagnait, au lieu de la glisser dans son grand sac. Puis elle n’a rien daigné répondre quand je lui ai dit en hésitant : « Je suis en train de vous tester pour savoir si je peux appeler à voter pour vous… ». Enfin, je lui ai demandé si elle pouvait m’accorder une interview, ce à quoi elle a sèchement répondu : « Non ! ».
Et, bien entendu, je n’ai reçu aucune réponse écrite par la suite.
Quand les lieutenants d’EE-LV ont plombé sa campagne en signant l’accord avec le PS, j’ai cru qu’elle allait claquer la porte. Mais ensuite quand j’ai lu qu’elle avait hypothéqué sa maison pour financer cette campagne électorale, j’ai compris pourquoi elle supporte tout cela. Quand elle s’est lancée dans les primaires EE-LV contre Nicolas Hulot, j’avais envie de voter pour elle. Maintenant, il n’en est plus question : j’ai compris que cela ne garantirait pas la France contre un accident nucléaire, bien au contraire. Donc, voter Eva Joly, non merci.
Seul le NPA a un programme sérieux de sortie du nucléaire en 10 ans. Mais son candidat Philippe Poutou n’est pas sérieux. Ce n’est pas parce qu’il est ouvrier que les médias le boudent, mais parce qu’il ne parle pas assez avec ses tripes. Je suis allée le voir à la Bourse du Travail de Saint-Denis, le 24 novembre 2011, pour son premier meeting en région parisienne, devant 600 militants convaincus. Il était timide, ne possédait pas son texte. Son évident manque de préparation m’a affligée, car j’ai trouvé que c’était un manque de respect pour son auditoire. Quand on n’a pas l’habitude de parler en public, la moindre des choses, c’est de s’y préparer !
À la fin, j’ai voulu lui poser des questions sur le nucléaire, il m’a juste suggéré de « lire le huit-pages du NPA sur la question ». (Je suis retournée le voir le 12 avril à la Halle Carpentier, il a fait beaucoup de progrès dans l’art oratoire, bravo.)
C’est bizarre comme les candidats « font l’impasse » sur le sujet du nucléaire. François Hollande a été lamentable face à Jean-François Copé le 15 mars dernier sur France 2 lors de l’émission Des paroles et des actes. Cela me paraît d’autant plus impardonnable que je lui ai écrit plusieurs fois à ce sujet. A-t-il lu ces lettres ? Lui sont-elles parvenues ? Lui et ceux qui l’entourent n’ont pas compris l’importance du nucléaire dans cette élection présidentielle. Cela risque de lui coûter l’élection, car le peuple de gauche est majoritairement anti-nucléaire.
S’il ne s’en rend pas compte, c’est parce que les instituts de sondage sont très proches d’EDF et ne renvoient pas une image sincère de la position des Français sur le nucléaire. Philippe Méchet, qui dirige la communication d’EDF, est issu de cette corporation. Quant à Gaël Sliman (BVA), il avoue franchement : « On est capable de dire merde à n’importe quel homme politique et à tous réunis. L’UMP, le PS, les Verts et le Nouveau Centre peuvent nous plaquer demain matin, ça n’a aucune importance tant qu’EDF ou l’Insep nous conservent leur confiance. » (Marianne, 17 mars 2012, p. 49 et p. 47)
Des salariés de Fessenheim sont venus huer François Hollande à la sortie de son QG de campagne quelques jours après l’émission de France 2. Il les a reçus le lendemain. Leur a-t-il rappelé qu’en cas d’accident, ils seraient forcés de devenir des liquidateurs et qu’il valait mieux, pour eux, se reconvertir préventivement dans le démantèlement ? Leur a-t-il dit qu’en cas d’accident, leurs filles seront forcées d’avorter si elles sont enceintes pour ne pas donner naissance à des êtres humains monstrueux comme ceux photographiés à Tchernobyl par Paul Fusco ? Que leur maison ne vaudra plus rien ? Que leur famille sera condamnée à mener une vie de réfugiés ? Pourquoi ne reçoit-il pas aussi les associations anti-nucléaires ? Pourquoi François Hollande n’interroge-t-il pas le président de l’Autorité de sûreté nucléaire sur le vieillissement des centrales ?
À la centrale de Fessenheim, 34 ans, l’épaisseur du plancher sous les réacteurs, appelé radier, n’est que de 1,5 mètres, alors qu’il faudrait 20 mètres de béton pour arrêter un cœur en fusion. L’ASN a enjoint à EDF de régler ce problème avant juillet 2013. Mais selon un calculateur-projeteur de béton armé en retraite que j’ai interrogé, épaissir le plancher d’une construction est impossible. Fessenheim sera-t-elle arrêtée en juillet 2013, quoiqu’il arrive ? D’ores et déjà, cette centrale n’est pas rentable : le prix de vente de l’électricité qu’elle produit ne couvre pas les frais d’entretien. Fermer Fessenheim, c’est d’abord et avant tout une question de bon sens !
Une peur rationnelle
La peur du nucléaire est une peur rationnelle. Hiroshima, Tchernobyl, Fukushima sont des événements effrayants qui déclenchent une saine peur. Après la catastrophe de Fukushima, il faut être dans le déni pour être ou rester pro-nucléaire.
Voici la question que se posent beaucoup de gens : « Je veux bien sortir du nucléaire, mais comment faire ? » J’espérais qu’EE-LV ferait de cette question un axe majeur de la campagne. Mais les écologistes politiques ont fait un autre choix et ces interrogations majeures et légitimes des Français subsistent.
Pour ma part, je pense que c’est aux ingénieurs des mines qu’il revient de répondre à cette question. Encore faudrait-il que le gouvernement la leur pose, en fixant des objectifs. À mon sens, le premier objectif serait de fermer rapidement toutes les centrales ayant atteint ou dépassé les 25 ans, ce qui permettrait de commencer leur démantèlement d’une part, au lieu de laisser ce fardeau aux générations futures, et de redéployer d’autre part les personnels pour mieux entretenir les autres réacteurs plus récents. Cela ne signifie pas que les centrales les plus jeunes soient plus sûres : il y a autant d’incidents annuels à Civaux (10 ans) et à Chooz (12 ans) qu’à Fessenheim (34 ans)…
Il faudrait donc programmer, région par région, le remplacement des kilowattheures perdus :
réduction de la consommation, isolation des bâtiments, remplacement du chauffage électrique (30% des logements) et diminution de la durée d’éclairage ;
remise en service des centrales au fioul, en utilisant le fioul lourd qui sort chaque jour des raffineries situées sur le sol français et dont Total ne sait que faire. Cette mesure suscite les hauts cris de certains, comme ce jeune militant UMP qui distribue des tracts sur les marchés. À ceux-là, je réponds que seul le nucléaire est capable de modifier l’ADN. C’est pourquoi toutes les autres sources d’énergie électrique sont préférables au nucléaire.
développement des autres modes de production électrique et de chauffage : moteur stirling, éolien, hydrolien, solaire, géothermie,… avec l’objectif de couvrir à terme 100 % des besoins
J’espérais que les élections présidentielles 2012 seraient aussi un référendum sur le nucléaire, avec des positions clairement différentes entre les partis « de gouvernement ». Les lobbies et les calculs politiciens ont été plus forts que cet espoir.
Reste encore une question, que beaucoup se posent : pour qui voter le 22 avril quand on veut porter au pouvoir un candidat qui garantira la France contre un accident nucléaire ? Ce candidat n’existe pas, donc je procède par élimination. J’écarte les votes inutiles.
Je vote pour celui qui affiche sa détermination personnelle en faveur de la sortie du nucléaire et qui propose un débat citoyen et un référendum sur ce thème.
Le 22 avril 2012, je voterai pour Jean-Luc Mélenchon.
Annie Lobé, Journaliste scientifique, Le 3 avril 2012, mis à jour le 13 avril 2012.
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